Les ADEAR (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural) sont des organisations présentent dans toute la France et accompagnent notamment de manière globale les personnes ayant pour projet de s’installer en tant que paysans. Dans le cadre des formations du projet Biofermes, l’ARDEAR de la région Centre intervient auprès des futur(e)s paysan(e)s pour leur présenter les différentes formes d’accompagnement à l’installation que propose leur structure. Cette aide est aujourd’hui primordiale pour ces porteurs de projet et mérite d’être plus connue. Dans cette idée, Hervé Bedouet, Vice-Président de l’ARDEAR du Centre-Val de Loire a répondu à nos questions.
© Dagmara Bojenko Photographe
Hervé Bedouet : Les ADEAR sont des associations qui travaillent pour le développement, de l’emploi et le travail agricole en milieu rural. Elles agissent pour soutenir la création d’activités de porteurs de projet et donnent des formations pour aider au développement des alternatives agricoles. Elles aident aussi sur les questions de transmission.
Hervé Bedouet : Dans la région Centre-Val de Loire, nous comptons 500 adhérents. Nous soutenons environ 200 porteurs de projet par an. Nous dispensons également 80 jours de formations par an pour près de 300 paysans.
Nous formons aux pratiques agricoles mais nous faisons aussi un travail important dans l’aide à la transmission de petites fermes. En effet, d’ici 20 ans, il y aura 30 % de fermes à transmettre. Nous accompagnons ainsi les porteurs de projet dans leur reprise et/ou leur installation. Par exemple nous leur donnons des outils personnalisés, nous effectuons des évaluations du territoire, et nous les mettons en relation avec les autres membres du réseau. Nous les accompagnons vraiment en évaluant, avec eux, la viabilité de leur projet.
Hervé Bedouet : Ce constat est accablant et illustre bien l’échec du modèle agricole productiviste et industriel qui domine en France. Il est nécessaire de remettre en cause le modèle agricole conventionnel et de favoriser une agriculture plus humaine, moins industrielle, moins polluante, et une agriculture de qualité.
Hervé Bedouet : Il faut tout d’abord assurer un droit au revenu pour les agriculteurs. Il faut savoir qu’en 2016, 40 % de ces derniers gagnaient seulement 350 € par mois. Dans la durée, ce n’est pas vivable.
Il faudrait également favoriser un modèle où on ne produit pas de manière excédentaire pour stabiliser les prix et assurer un prix plus rémunérateur aux agriculteurs.
Il est ainsi important de repenser la PAC (Politique Agricole Commune européenne) qui représente 47 % du budget de l’Union Européenne. Aujourd’hui, la PAC représente 10 millions € d’aides réparties comme il suit : 8,7 millions € pour le premier pilier qui concerne l’agriculture industrielle et productiviste et 1,3 million € pour le second pilier qui concerne les alternatives agricoles. Si nous souhaitons favoriser la transition agricole et l’agriculture paysanne, la seule solution est de favoriser le second pilier. Il faut donc inverser ce système.
Il est aussi important de plafonner les aides en fonction de l’emploi agricole pour favoriser une plus juste répartition des revenus. En fonctionnant actuellement par rapport à l’hectare de culture, on favorise les rentes des grands exploitants au détriment des moyennes et petites fermes.
Hervé Bedouet : L’agriculture paysanne comprend différents facteurs : la maîtrise de la production, la détermination d’un prix rémunérateur pour l’agriculteur, un paysan plus autonome c’est-à-dire qu’il est l’acteur décisionnel (par exemple, indépendant des impératifs des fournisseurs en amont ou des grandes surfaces ou des industriels en aval).
C’est aussi une agriculture plus respectueuse de l’environnement, de la Nature et de la biodiversité.
Cette agriculture développe l’économie locale et permet une proximité entre le producteur et le consommateur.
Au niveau international, c’est aussi sortir l’agriculture des réglementations de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et de certains accords de libre-échanges (comme le CETA) car l’alimentation est un besoin primordial et chaque Etat doit être souverain en la matière.
Hervé Bedouet : Pour les personnes qui souhaitent s’installer, l’accès au foncier est un frein majeur à cause des politiques foncières qui ne facilitent pas l’installation. Ceci s’explique déjà et de nouveau avec le système actuel de la PAC qui subventionne les exploitant en fonction de l’hectare et non de l’emploi. Ce type d’aide nuit donc au développement des installations paysannes car lorsqu’une ferme et ses terrains sont mis en vente, ce sont les autres fermes aux alentours qui les achètent pour augmenter leur surface et donc le montant des aides auxquelles ils ont droit. Le système leur permet de s’assurer un revenu global plus important au détriment du maintien et du développement des petites et moyennes fermes.
Les paysans qui souhaitent s’installer sont obligés de mettre en place une culture en maraîchage de petite surface. Ce mode de culture limite la production.
Pour les paysans déjà installés, la plus grande difficulté est le revenu.
Hervé Bedouet : Les paysans sont petits mais jouent un rôle essentiel dans notre alimentation. Il faut qu’ils puissent compter sur le soutien des consommateurs et des citoyens. Le consommateur a donc un rôle primordial à jouer.
En tant que contribuable, le consommateur doit exiger, comme tout citoyen, d’avoir accès à une alimentation de meilleure qualité : meilleur pour notre santé et pour notre environnement. En favorisant cette manière de consommer, nous faisons des économies sur la durée, car nous préservons notre santé : manger des aliments de qualité est la meilleure des préventions que nous pouvons avoir pour nous et nos proches.
Il est donc essentiel de rapprocher les consommateurs des paysans qui les nourrissent.
Hervé Bedouet : De manière générale, il est urgent de changer de modèle agricole. Plus nous attendons, plus les problèmes environnementaux, sanitaires, et économiques se développent, et plus ils seront difficiles à contrer comme les changements climatiques. Il est encore temps de prendre ce virage et de faire des choix politiques au niveau national et européen pour réorienter l’agriculture vers un autre avenir.
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Crédits photo : Dagmara Bojenko Photographe & Vibe’s Project