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Daniel et François Mulet : « Chacun s’enrichit des expériences des autres »

Fondateurs du réseau Maraîchage Sol Vivant, Daniel et François Mulet travaillent depuis 2012 sur la problématique des sols au sein de la ferme familiale. Constatant que la question des sols n’était pas étudiée par les scientifiques et dans les formations classiques, ils décident de se former eux-mêmes sur cette problématique essentielle. Ils aident les maraîchers désireux d’améliorer leur manière de cultiver grâce à des vidéos, des animations et à un réseau de fermes. Aujourd’hui, leur projet est un véritable succès. Ils se sont tous les deux prêtés au jeu de l’interview pour SOL.

©Dagmara Bojenko Photographe

SOL : Maraîchers bio dans l’Eure depuis 2012, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous et votre parcours ?

©ParisNormandie.fr

Daniel Mulet (D.M) : Je suis initialement ingénieur en physique et je me suis installé sur à la ferme de mes grands-parents.

François Mulet (F.M) : J’ai fait des choses bien différentes avant  de décider d’un retour aux sources dans la ferme familiale que nous cultivons depuis près de 300 ans. Nous nous sommes rendus compte que la problématique du sol est centrale mais que personne n’en parlait que ce soit dans la culture biologique ou la culture conventionnelle. Après une expérience au sein d’une exploitation céréalière, nous avons décidé de nous pencher sur ce problème et d’expérimenter des techniques dans notre ferme.

 

SOL : Pouvez-vous nous présenter le réseau Maraichage Sol Vivant et ses actions ?

D.M et F.M : Le réseau est né de notre rencontre avec différentes personnes : Caroline Hébert, Gilles Domenech.  Nous avons échangé sur la problématique des sols lors d’une formation de Konrad Schreiber organisée par Caroline et nous avons réalisé que les formations ou les organismes du secteur agricole ne savaient rien sur la question des sols. Pourtant cette problématique est très importante pour le maraîchage car c’est le secteur agricole qui travaille le plus les sols et donc qui les abîme le plus (on peut par exemple penser à l’érosion).

Comme personne ne faisait rien, nous avons décidé d’agir en organisant durant l’hiver 2013 une première rencontre à Auch pour présenter la problématique des sols et pour présenter des cas de reconstruction des sols dans des fermes. Nous ne nous attendions pas à un si grand succès. Cet événement se voulait intimiste, nous n’avons qu’envoyé des mails, pourtant plus de 200 personnes sont venues. Depuis, on a refait de telles rencontres tous les ans (sauf en 2017).

En parallèle, nous faisons des rencontres, des visites de fermes, des formations et nous expérimentons toujours l’arrêt du travail des sols dans notre ferme.

Il faut former les gens pour qu’ils reconstruisent, se réapproprient leurs terres et inciter à changer les modèles. Donc nous avons mis en place des vidéos de formation sur Youtube, gratuites et visibles pour tous. Morgane Fournier qui a été animatrice de MSV pendant presque 2 ans nous a aidé à documenter nos pratiques et à construire les formations. Aujourd’hui, il y a 60 heures de formations en ligne.

Le réseau est composé d’une association nationale et de différentes antennes locales dont un Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) régionale pour la Normandie.

SOL : Pouvez-vous nous parler des difficultés rencontrées par les petites fermes maraîchères spécialisées dans le bio actuellement ? Quelles en sont les causes d’après vous ?

D.M et F.M : La principale difficulté rencontrée par nos collègues est la charge de travail et la fertilité des sols.

Il faut comprendre qu’en diminuant le travail du sol, nous pouvons générer de bons paramètres de fertilité mais cela demande du temps.

Certains maraichers bio refusent l’apport technique et préfèrent rester dans les itinéraires plus classiques de production. Par exemple, beaucoup d’entre eux ne veulent pas utiliser les bâches tissées, pourtant, contrairement aux bâches conventionnelles, elles sont plus durables, protègent la vie biologique et produisent beaucoup moins de déchets.

Il y a également la difficulté de trouver des terres. Même si certains organismes comme la Safer sont présents, ils ne jouent pas vraiment le jeu. Il faut savoir être malin.

En plus, pour les jeunes qui souhaitent s’installer c’est plus difficile car, bien souvent, ils n’ont pas le réseau social pour trouver des terres. En plus les vendeurs et les banques ne leurs font pas facilement confiance à cause de leur manque d’expérience donc il est assez compliqué de s’installer. C’est une question de rentabilité : les jeunes, peu informés, ont une image illusoire et bucolique du maraîchage et occultent bien souvent les problématiques de gestion d’une petite ferme et l’obligation d’une monté de compétence dans beaucoup de domaines autre que l’agriculture. Il faut voir cela avant tout comme un travail de chef d’entreprise.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes souhaitant s’installer en maraîchage biologique ?

D.M et F.M : Nous conseillerons tout d’abord d’arrêter le travail des sols et aussi d’arrêter d’écouter les conseillers techniques qui ne comprennent pas les enjeux, de s’inquiéter de savoir comment s’occuper du sol grâce à des formations, des vidéos sur le sujet sur Internet.

Il faut également voir ce qui se passe chez les collègues et échanger en amont avec les producteurs bio pour être au fait avec les contraintes réglementaires de cette agriculture.

Se soucier aussi des outils et de la question de la mécanisation.

Il faut pour finir être curieux et se former, se documenter et s’informer.

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